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2010-09 Noise Magazine ( avec Françoise Massacre)

Dans une interview pour emofag.net, Antoine disait qu’Aluk Todolo était « le fruit d’un pacte ». Vous pouvez expliquer ?
A.H. : Non, justement.

J’ai aussi beaucoup lu qu’ Aluk Todolo était un « side-project » de Diamatregon. Je sais que vous tenez pourtant à dissocier les deux projets. Quels sont les points de contact et les différences entre les deux ? Quand vous avez monté Aluk Todolo, en quoi vouliez-vous vous distinguer de Diamatregon ?
Aluk Todolo et Diamatregon n'ont absolument rien à voir. Nous n'avons pas cherché à les distinguer puisqu'à l'époque les deux groupes n'avaient pas le même line-up. Diamatregon avait déjà presque 10 ans quand Aluk Todolo à été formé, et on a jamais pensé à l'un en rapport à l'autre. Diamatregon joue de la musique de genre, du black métal, un peu vrillé certes, mais du black métal quand même. Aluk Todolo c'est autre chose, qui n'a pas de nom, à part celui d'Occult Rock.

Malgré le découpage de l’album, Finsternis est structuré comme une longue session. Comme avez-vous conçu l'album et l'enregistrement ? Quels sont les éléments déterminés et inversement, quelle y est la part de hasard/d’improvisation ?
C'est quelque chose qui n'a peut être pas été assez évoqué a propos de l'album mais son découpage en cinq parties correspond aux cinq phases d'une éclipse, d'où le nom des morceaux et de l'album (finsternis = éclipse) . L'enregistrement à eu lieu le premier aout 2008, lors de l'éclipse totale de soleil , dans un lieu approprié, et nous étions très préparés. Pour ce qui est du hasard, je n'y crois pas, et c’est aussi pourquoi je ne pense pas que le terme improvisation s'applique à nos méthodes… Il est du moins à nuancer, et je préfère parler de composition automatique ou d'improvisation médiumnique.

Les titres rapides et motorik (je pense à « Obedience » sur Descension dont la rythmique rappelle beaucoup This Heat) ont totalement disparu sur Finsternis. Quel processus vous a conduit à prendre le parti-pris de la lenteur, de la répétition et du dépouillement absolus ?
L'album est l'illustration musicale de la formation d'une éclipse, ceci d'un point de vue magique.
"thought is the shadow of the eclipse of luna, samadhi is the shadow of the eclipse of sol, the moon and the earth are the non-ego and the ego, the sun is That. both eclipses are darkness, both are exeeding rare; the universe itself is light" Cette radicalisation dans la lenteur, la répétition et le dépouillement est tout simplement le fruit d'une recherche concernant le phénomène de l'éclipse.
De plus, Finsternis fait directement référence à l'album de Tony Conrad et Faust Outisde the Dream Syndicate sans lequel Aluk Todolo n'aurait jamais existé.

Je parlais d’improvisation. Y’a-t-il un rapport entre votre Descension et l’Ascension de John Coltrane?
Le titre de l'album n'a pas été pensé en fonction de celui de Coltrane. Mais quelqu'un à écrit une super chronique de Descension sur un blog, Surreal Documents, dans laquelle il compare les deux, ce qui m'a tout d'abord beaucoup surpris, mais ce qu'il dit est finalement très sensé. Contrairement à la chronique de merde que Noise Mag nous avait faite justement, dans laquelle T. Skidz nous comparait aux Residents! Ce qui est vraiment n'importe quoi ! De plus il a cité mes propos hors contexte, pour me faire passer pour un con... Bref, je ne suis pas là pour régler mes comptes. Passons. Pour en revenir à l'improvisation, je le répète, ce terme me gène un peu  Pour jouer la musique d' Aluk Todolo, il faut se mettre à son service, et donc disparaitre derrière les forces que l'on canalise. C'est de cette manière que nous procédons depuis toujours, un peu à tâtons au début, ou de manière inconsciente si tu préfères. Sur Descension, la méthode, quoi qu'encore instinctive, s'est précisée au fur et à mesure et s'est appliquée à toutes les phases de la conception du disque, notamment lors du mix, qui à été crucial, puisqu'il à fallu RÉVÉLER ce qui se cachait dans le son. Cette façon d'envisager la musique, de la voir comme quelque chose de préexistant à sa manifestation physique, va de pair avec un certain état de conscience auquel le musicien se doit de parvenir, pour CAPTER et TRANSMETTRE.

Qu’y a-t-il de «black metal» dans la musique d’Aluk Todolo? Quelle est votre vision du black metal (ce qu’il est, ce qu’il n’est plus, ce qu’il doit être)?
Du black metal, Aluk Todolo a gardé l'austérité.

Le morceau «Silvester Anfang» de Mayhem fut l’un des tous premiers exemples de rencontre entre le monde du krautrock et celui du black metal (Ndlr: L’introduction de Deathcrush, la seconde démo de Mayhem était en fait un titre que Conrad Schnitzler de Tangerine Dream/Kluster avait envoyé à Euronymous, le «fan»). Cette collision improbable, ça fait partie des choses qui vous ont marqués/ influencés ?
Le lien entre le Krautrock et un certain black metal m'a toujours paru flagrant, et pas du tout improbable.

L’hypnose, la transe, ce sont deux composantes cruciales de votre musique?
Oui, totalement cruciales. Ce sont les bases de notre musique. La transe dans Aluk Todolo, c'est à la fois but et le moyen, c'est à dire que la musique est à la fois l'invocation ET la manifestation.

L’ «Occult Rock», c’est quoi?
De la musique enthéogène.

Je n’ai pas encore eu la chance de vous voir sur scène. Est-ce que, d’une manière ou d’une autre, vous ritualisez vos concerts?
Oui.

Vous avez une identité visuelle forte et assez codée. Qui prend en charge cet aspect visuel dans le groupe? Quelle est l’idée générale, la «charte» et où allez-vous puiser les illustrations que vous utilisez ? Lorsque vous avez fait appel à Stephen Kasner pour l’artwork de la version CD de Finsternis, vous lui avez laissé carte blanche ?
En ce qui concerne Kasner, il avait carte blanche, c'était le principe de la série URSK . Notre seule requête était qu'il ne fasse pas un truc en couleurs. On lui a fait confiance et on s'en est remis à notre bonne étoile, en priant pour qu'on n'ait pas à dire NON. Il a peint quelque chose de beau et qui nous a plu, et qui colle bien à l'album. plus tard,alors que le disque allait ressortir en vinyle chez Public Guilt, c'est en feuilletant un livre qu'une illustration m'a frappé. J'ai tout de suite pensé qu'on avait trouvé la pochette du lp. Il se trouve que c'était la photo d'une sculpture représentant le dieu Amon sous la forme d'un bélier. Amon étant le nom d'un démon de la goétie mais aussi du dieu égyptien, le caché ou l'inconnaissable, qui plus tard fut associé a Ré,le dieu soleil d'Héliopolis, et devient la divinité cosmique Amon-Ré, "créateur de ce qui existe, maître de tout, établi durablement en toutes choses". La destinée d'Amon évoque ainsi le phénomène de l'éclipse d'un point de vu alchimique de manière assez troublante. l'obscurité et la lumière devenant lors de leur contact le "tout", la totalité. tout ça pour dire que chez Aluk Todolo l'aspect visuel est indissociable de la musique. C'est une seule et même chose, et nos disques, en tant qu'objets, sont des "artefacts". Ce n'est pas tant que nous cherchons les visuels, plutôt, ils viennent à nous. C'est une forme de synchronicité appliquée à l’art, et c'est finalement la même méthode que l'on emploie à tous les stades de la création.

Pour finir j’aimerais que vous me disiez un mot sur le label Amortout et sur vos projets musicaux hors Aluk Todolo (Shantidas en solo, Super SS, Gunslingers).
Tant bien que mal, nous essayons de ne pas faire de lien entre ces différentes activités qui n'engagent que l'individu.